Vous investissez dans un fonds commun de placement à gestion active en payant des frais de gestion plus élevés. Pourquoi ? Parce que vous croyez en la promesse : celle qu'un gestionnaire expert, grâce à ses recherches et à ses convictions, saura choisir les meilleurs titres pour surpasser le marché.
Mais que se passe-t-il si vous payez le prix d'une voiture de sport pour obtenir les performances d'une simple berline ?
C'est le piège du Closet Indexing, ou la gestion indicielle déguisée. Cette pratique consiste pour un fonds, vendu comme « actif », à se contenter de suivre discrètement son indice de référence, tout en vous facturant le plein prix.
Pour démasquer les gestionnaires adeptes du closet indexing, il faut comprendre deux notions clés : l'indice de référence (benchmark) et la part active (active share).
L'Indice de Référence (Benchmark)
Pour évaluer un gestionnaire, il faut un point de comparaison : c'est le rôle de l'indice de référence (benchmark). Il s'agit, dans la plupart des cas, d'un indice boursier (ex. : S&P/TSX pour les actions canadiennes, S&P 500 pour les américaines) qui représente le marché.
Un fonds passif, comme un fonds négocié en bourse (FNB), vise à répliquer cet indice à faible coût. Un fonds actif a pour mission de le battre afin d'offrir un rendement supérieur à celui de l'indice. Pour ce faire, son portefeuille doit être significativement différent de ce dernier.
La promesse de la gestion active
Un véritable gestionnaire actif prend des risques calculés et son portefeuille reflète ses convictions. Le gestionnaire qui pratique le closet indexing, lui, a peur de l'échec. S'éloigner de l'indice, c'est risquer de sous-performer et de perdre des clients. Sa solution ? Éviter de prendre de vrais risques. Il construit ainsi un portefeuille qui ressemble fortement à l'indice, ne donnant qu'une simple illusion de gestion active.
Le résultat pour l'investisseur est le pire des deux mondes : les frais élevés de la gestion active pour la performance (avant frais) de la gestion passive. La sous-performance nette (après frais) est quasi garantie.
Comment démasquer les imposteurs ?
Heureusement, des mesures objectives existent pour évaluer à quel point un fonds est réellement « actif ». On les regroupe sous le terme de risque actif.
1. La part active (Active Share)
C'est la mesure reine pour débusquer cette pratique.
Définition : La part active (active share) représente le pourcentage du portefeuille d'un fonds qui diffère de son indice de référence.
Une part active de 0 % signifie que le fonds est une copie parfaite de l'indice. Une part de 100 % signifie qu'il n'a aucun titre en commun.
Ainsi, plus la part active est élevée, plus le gestionnaire de portefeuille fait véritablement de la gestion active. À l'inverse, plus la part active est faible, plus il se rapproche de la gestion passive, c'est-à-dire qu'il ne fait que répliquer l'indice.
2. L'erreur de suivi (Tracking Error)
Cette mesure analyse la performance.
Définition : L'erreur de suivi mesure à quel point la performance du fonds s'écarte de celle de son indice de référence.
Un vrai fonds actif verra sa performance dévier de l'indice. Un closet indexer aura une performance qui colle à celle de l'indice, comme son ombre. Une erreur de suivi très faible est donc suspecte.
Un vrai fonds actif devrait avoir une part active élevée ET une erreur de suivi significative.
Concrètement, comment vérifier un fonds ?
- Identifiez l'indice de référence dans le document « Aperçu du fonds » de votre fonds commun de placement.
- Comparez les 10 principaux titres de votre fonds à ceux de son indice (disponibles via une simple recherche Google). Si les titres ET les pondérations sont pratiquement les mêmes, méfiez-vous.
- Cherchez la part active : Bien que difficile à trouver, cette donnée est le « gold standard ». Des plateformes comme Morningstar la calculent parfois. Demandez cette information à votre conseiller ; les professionnels y ont accès. S'il prétend ne pas l'avoir, insistez pour qu'il l'obtienne auprès des gestionnaires du fonds, car c'est une donnée fondamentale de leur stratégie.
Que fait le régulateur dans tout ça ?
Le closet indexing est un enjeu de transparence qui coûte cher aux petits investisseurs. Devant ce constat, une supervision du régulateur semble de plus en plus pertinente.
Au Québec, l'Autorité des marchés financiers (AMF) pourrait jouer un rôle de premier plan pour encadrer cette pratique. On pourrait imaginer que l'AMF établisse des lignes directrices claires, exigeant par exemple qu'un fonds commercialisé comme « actif » maintienne un seuil minimal de part active.
Une telle règle forcerait les sociétés de gestion à faire un choix : soit s'engager dans une véritable gestion active, soit reclassifier leurs fonds comme des solutions passives à frais réduits. Pour les petits investisseurs, ce serait un gain immense en clarté et en juste valeur pour leur argent.
Exigez la transparence
En payant pour une gestion active, vous êtes en droit d'exiger une stratégie audacieuse. La prochaine fois que vous analyserez un fonds, ne vous contentez pas de ses rendements passés. Regardez sous le capot. Posez des questions sur le risque actif des portefeuilles qu'on vous propose.
Ne payez pas pour une promesse non tenue. Exigez la transparence et la véritable gestion active pour laquelle vous payez.
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